Paradoxalement, les approches qui se rapportent à la thématique de l’émancipation sont plus diversifiées aujourd’hui que celles qui se présentaient aux chercheurs en sciences humaines et sociales il y a vingt ou trente ans. Elles sont d’inégale valeur parfois divergentes, voire opposées. La parité, par exemple, est souvent appréciée comme un progrès vers l’émancipation des femmes. Sur un autre plan, déconnectée des déterminismes sociaux et économico-politiques, la formation de “l’acteur social” – ou celle du “nouveau citoyen” – vient s’appuyer sur les tendances historiques lourdes de l’individualisme et sur sa justification théorique dans les sciences sociales, pour constituer un autre modèle de l’émancipation. S’inscrivant à l’encontre des théories classiques de la lutte de classes et de l’historicisme qui la réalise dans le communisme, il s’agit d’un modèle d’émancipation lié à un historicisme où s’imposerait une congruence entre capitalisme et démocratie. Et si, enfin, l’émancipation libère de quelque chose qui est vécue comme une domination ou une contrainte, on voit que le spectre qui s’ouvre pour définir le concept, limite en même temps l’ambition d’une recherche fondamentale quant à l’évolution des sociétés, ou plus exactement quant à l’évolution humaine. La question de l’émancipation a un corollaire: de quoi s’émancipe-t-on? De toute évidence, les animateurs de l’Homme et la Société avaient en vue ce problème. Et ce n’est sans doute pas sans malice qu’ils ont établi leur projet d’inscrire le thème de l’émancipation dans ce contexte. Il ouvre de toute façon à la possibilité de jouer sur des ambiguïtés. Cela peut-il permettre de d’alimenter une discussion féconde?