Dans les années 1970-1980, le terme «intégration» a fait l’objet d’un intense investissement dans les médias et dans le langage politico-administratif. Sa scansion surgissait du débat sociopolitique et idéologique nourri par le changement de paradigme en cours à partir de 1970-1974 organisant le passage du modèle économico social produit par le déploiement des États sociaux sur le modèle général keynésien de régulation de l’après guerre – modèle historique de modernisation capitaliste – vers une configuration désormais estampillée sous le vocable «néo libéralisme».
A travers la mise en cause de l’État posant en termes nouveaux la « question sociale », se formaient des enjeux fondés sur le discrédit des solutions collectives héritées de l’État providence au profit de la « responsabilité » renvoyée à chacun selon une vision singulière de l’individualisme promu au rang de vertu de la « liberté» et théorisé comme universalisme. Si, déclinée sous une série de stratégies discursives, la question de l’État était la source de ces enjeux, les arguments à son encontre ont puisé largement dans une configuration sociale où pour la première fois dans l’histoire de l’État social apparaissait une corrélation entre chômage et pauvreté. C’est sur ce constat sociologique, appelé en France «nouvelle pauvreté», qu’a été construite la notion, elle aussi bien française, d’«exclusion». Avec ceux d’«insertion» et d’« intégration », leurs corollaires, le terme a connu un grand succès. Les centres communaux et départementaux d’action sociale découvraient des populations inconnues de leurs services et pour lesquelles ils ne dispensaient aucune allocation de ressource…
Archives par mot-clé : citoyenneté
« Émeutes et violence: les paradoxes de l’État de droit », in Émeutes, contestation et ordre étatique: Octobre 1988 – Octobre 1998 Perspectives comparées à partir du cas algérien, Didier Le Saout et Marguerite Rollinde éds, Paris, Karthala/IME, 1999
Il existe des degrés d’émeute. Toute l’histoire sociale, celle qu’offre les récits d’époques les plus lointaines jusqu’à ceux de l’ère moderne, l’illustre. Ce n’est probablement pas par hasard historique si cette récurrence parcours comme un flot, certes souvent désordonné, le mouvement des sociétés. On ne peut en tout cas éviter de supposer que puisse s’y loger une des sources, sinon la structure même, du changement social. Introduire ainsi le thème de l’émeute, n’implique nullement, bien que cela soit tentant, de s’abandonner à quelque acception téléologique de l’historicisme. Stipuler qu’il existe des degrés d’émeute revient certes, à identifier deux dimensions: l’une, verticale, qui hiérarchise les émeutes relativement à la force de leurs impulsions et à l’ampleur de leurs conséquences, l’autre, horizontale, qui met cette hiérarchie en perspective diachronique et observe comment son agencement s’inscrit, ou non, en cohérence avec un moment historique. Mais mettre à l’épreuve l’hypothèse d’un “ sens ” de l’émeute, identifiable tant dans l’enchaînement de ces impulsions, ou par le fait même de cet enchaînement, sur la courte et la longue durée, que dans l’agencement de ses niveaux d’intensité, efface l’intérêt pour la multiplicité des facteurs propres aux processus qui la façonne ; facteurs qui, éventuellement, peuvent s’inscrire dans une intention, rationnelle ou non.