« Les leçons d’une crise sociale ou la rupture d’un consensus: les grèves de novembre et décembre 1995 », in l’Homme et la Société, L’Harmattan, n° 117-118, 1995/3-4

Luttes des classes

La sociologie Wéberienne qui anime les sciences sociales à fait l’impasse sur les problèmes abordés par la philosophie politique classique. Or, le retour des classes s’impose de nouveau face à celui de l’acteur. Elles ont voulu les jeter par la porte, elles rentrent par la fenêtre. La “modernisation” qui inspirait les gouvernements socialistes a très vite trouvé avec Chirac un mot d’ordre sur lequel articuler ses actes et sa conduite politique: la “réforme”. Les français n’y ont vu qu’une nouvelle machine à dissimuler les mauvais coups. La “modernisation” a nourri une recherche scientifique qui s’est diluée dans la pratique d’une sociologie auto justificative annulant toute autre perception de la société. Elles n’ont vu dans la crise qu’une question de méthode oubliant l’éloignement croissant entre les deux mondes dont la modernité a fait sa religion. Le travail de ses supporters au sein des sciences sociales a consisté à rendre plus opaque la réalité des luttes que se livrent les “classes sociales” au nom du dépassement de l’opposition Marx/weber dont les considérant sont caduques: rien ne permet de conclure que la société change par évaporation des conflits de classe. Or, les solutions aux problèmes sont connues et relativement simples. Elles se trouvent à l’inverse des nouvelles politiques publiques (politiques de la ville). La radicalité du “lien social” que les recherches en sciences sociales voulaient “retisser” fut ignoré. Il s’agit de remettre les sciences sociales à l’endroit: changer l’ordre social pour retisser le lien social. La désorientation des sciences sociales participe de celle des masses qu’elle a nourries. Mais aujourd’hui la crise sociale, réintroduit une dimension essentielle: la question des classes sur laquelle est en train de se briser le consensus intellectuel.

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« Les métamorphose autour du concept clé d’émancipation », in L’Homme et la Société, L’Harmattan, n°132-133, 1999/2-3

L'homme et la société 132-133

Paradoxalement, les approches qui se rapportent à la thématique de l’émancipation sont plus diversifiées aujourd’hui que celles qui se présentaient aux chercheurs en sciences humaines et sociales il y a vingt ou trente ans. Elles sont d’inégale valeur parfois divergentes, voire opposées. La parité, par exemple, est souvent appréciée comme un progrès vers l’émancipation des femmes. Sur un autre plan, déconnectée des déterminismes sociaux et économico-politiques, la formation de “l’acteur social” – ou celle du “nouveau citoyen” – vient s’appuyer sur les tendances historiques lourdes de l’individualisme et sur sa justification théorique dans les sciences sociales, pour constituer un autre modèle de l’émancipation. S’inscrivant à l’encontre des théories classiques de la lutte de classes et de l’historicisme qui la réalise dans le communisme, il s’agit d’un modèle d’émancipation lié à un historicisme où s’imposerait une congruence entre capitalisme et démocratie. Et si, enfin, l’émancipation libère de quelque chose qui est vécue comme une domination ou une contrainte, on voit que le spectre qui s’ouvre pour définir le concept, limite en même temps l’ambition d’une recherche fondamentale quant à l’évolution des sociétés, ou plus exactement quant à l’évolution humaine. La question de l’émancipation a un corollaire: de quoi s’émancipe-t-on? De toute évidence, les animateurs de l’Homme et la Société avaient en vue ce problème. Et ce n’est sans doute pas sans malice qu’ils ont établi leur projet d’inscrire le thème de l’émancipation dans ce contexte. Il ouvre de toute façon à la possibilité de jouer sur des ambiguïtés. Cela peut-il permettre de d’alimenter une discussion féconde?

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